Rentrée des classes...
Demain, Je Suis va reprendre son apparence, retrouver ses fonctions. Ce que Je Suis préfère dans son emploi c'est ouvrir le portail et regarder le petit monde aller et venir. Je Suis se tient bien droit, immobile, contre le montant, face aux premiers, déjà là, déposés à la hâte, au plus tôt, ensuite c'est la marée, jusqu'au dernières vagues de retardataires, Je Suis salue tout le monde, les amicaux viennent lui toucher la main, les pressés se signalent de loin cherchant à accrocher son regard, les timides marmonnent... Je Suis retrouve chaque matin les toujours de bonne humeur, frais et souriants, les jamais contents, tourmentés par un goûter dérobé, un livre oublié, les fuyants, les indifférents, les bizarres, les redoutables, les exubérants agités dès potron-minet. Je Suis ne se lasse pas de les voir défiler, d'échanger un mot, un regard, Chacunchacune laisse sa progéniture selon un code bien établi, les encore un bisou, les qui courent déjà (Je Suis les rappelle à l'ordre, bien sûr), les qui lisent et commentent le menu de la cantine, affiché sur le battant fermé, enfin, tous, aucun ne lui échappe, c'est son métier de s'assurer que les petits rentrent dans l'école et que les grands repartent dans leur vie. Chaque élève a déjà son caractère, sa façon de faire, de se présenter, de passer en vitesse sous son regard perçu menaçant, incarnation de l'autorité républicaine... M., sept ans, arrivait tous les matins, accompagné par sa mère, sérieux et déterminé, il s'avançait jusqu'à un mètre du portail, s'arrêtait, levait les yeux vers lui et lançait d'une voix ferme et forte :"Bonjour, Monsieur le Directeur" et il continuait son chemin sans même attendre de réponse.. Un matin, allez savoir ce qui lui est passé par la tête, il est arrivé, imperturbable comme d'habitude, a respecté sans ciller son rituel mais au lieu de la phrase attendue et cent fois dite, il a tenté : " Bonjour Eric", ...