Danger turinois
Chez lui il s'en retourne, sa journée est finie.
Mais est-ce bien là ?
Oui, il se souvient maintenant qui le dernier a parlé en cet endroit,
Retrouve ses propres pensées, reprend de ce moi secret la monture,
Qui dans le royaume de l'esprit la veille encore chevaucha.
Il fut entre-temps appelé à tant de choses, si différentes, si éloignées de lui !
Il en perdrait presque cet autre, en quelque sorte...son « moi d'ici » !
« Ce lieu est dédaigné du Monde », songea-t-il,
Fâché de devoir s'y enfermer pour honorer sa solitude.
« Quelle est ton oeuvre à toi ? » lança-t-il un jour à sa moitié
– Elle qui court le Monde –
« A part de quoi me nourrir, que m'en rapportes-tu ? »
- « Moi ? Je suis justement ton autre, et il m'en coûte de partager avec toi !
Car je suis le dehors quand toi tu n’es qu’une ombre
Qui cherche le soleil en son dedans !
Que te servent tes yeux puisque tu leur préfères
Cette conscience tienne qui prétend voir plus profondément ?
Et tes mains et ton coeur et tes jambes
Doivent-ils se satisfaire d'être ainsi privés de leurs mouvements ?!
Vois, déjà tu te consumes, le désert croît, prends garde !
L'esprit finit toujours par confisquer les sens et la raison
De qui de son profond regard abuse,
Il creuse un puits sans fond sous chacune de ses paupières
Un puits d'où ne brille bientôt plus aucun regard et que plus rien n'éclaire,
Un puits au fond duquel hélas, parce que privé de son autre
Plus rien n'est soleil, plus rien n'est ombre,
Plus rien n'est moi :
Danger turinois.